Midnight Chelsea

4. Réflexions 2

4. Réflexions 2

L'art Oratoire et ses Secrets

L'orateur et rhéteur (différence) :

 

L'orateur est une « personne que sa fonction conduit souvent à prononcer des discours devant un public ».

Néanmoins le terme de « rhéteur » lui fait concurrence, désignant plus spécifiquement « celui qui fait profession de l'art de la rhétorique » Ce statut existe dès la Grèce antique où l'orateur devient un homme politique et un enseignant.

 

 

La rhétorique :


La rhétorique utilise, dès ses fondements, trois notions centrales dans la pensée grecque et latine, que résume Cicéron lorsqu'il dit que la rhétorique consiste à
« prouver la vérité de ce qu'on affirme (logos), se concilier la bienveillance des auditeurs (ethos), éveiller en eux toutes les émotions qui sont utiles à la cause (pathos

 

  • 1. la rhétorique est un discours rationnel, mot issu du grec λόγος / logos. __ L'argument permet ainsi, par la logique, de convaincre l'auditoire.

 

  • 2. il existe aussi une relation émotionnelle, que véhicule la notion de πάθος / pathos. L'auditoire doit être séduit ou charmé

 

le pathos comporte trois éléments passionnels : la question choc, le plaisir ou __ le déplaisir qu'elle occasionne et la modalité sous forme de jugement qu'elle ____ engendre comme l'amour et la haine par exemple.

 

  • 3. L'ἦθος / êthos, enfin est la dimension de l'orateur, ses vertus et ses mœurs exemplaires, même si c'est avant tout une image que donne l'orateur de lui-même

 


Les méthodes de persuasion se  font donc par 3 façons :
Par l'appel à la raison (convaincre)
    l'argumentation
    la logique
    la méthode scientifique
    la preuve

Par l'appel à l'émotion (persuader)
    la rhétorique
    la foi
    la tradition
    la propagande
    la publicité
    la manipulation mentale
    les valeurs

Par l'appel à la conformation
    la Volonté des gens à se conformer dans un groupe

 

4. Réflexions 2

persuader / convaincre

 

persuader

convaincre

 

 

amener quelqu'un à croire, à penser, à vouloir, à faire quelque chose, en jouant sur sa sensibilité, par voie de séduction.


 

Persuader suppose des arguments moins purement rationnels, plus affectifs, plus insinuants, pleins de sous-entendus...

 

On recherche une adhésion complète de l'autre, aussi bien sentimentale qu'intellectuelle. La joute d'arguments est plus réduite, l'opposition éventuelle de la personne à persuader est moins nettement soulignée

 

amener quelqu'un à admettre une façon de penser ou de se conduire en lui exposant les raisons qu'il peut avoir de l'adopter.


Convaincre me semble davantage impliquer une démarche faisant plutôt appel à la raison, avec des arguments explicites, rationnels ou présentés comme tels.

 

Et dans convaincre, il y a "vaincre". Cela évoque une certaine opposition de la personne à convaincre, et il y a souvent joute d'arguments.

rapports :

S'il s'agit dans l'un et l'autre cas d'emporter l'adhésion de quelqu'un ; le chemin qui y conduit n'est, de loin, pas le même.

Persuader, c'est amener quelqu'un à croire ce qu'on veut lui faire croire en jouant sur sa sensibilité et son imagination.
Il s’agit pour l’émetteur de jouer sur des valeurs et des repères culturels communs en s’appuyant sur des principes universels ou du moins en principe partagés par la majorité : la Vérité, le droit au bonheur, l’équité, la sincérité…, ou sur les valeurs admises par un groupe social déterminé : l’honneur, le courage, la probité, le travail, le patriotisme…

Cette thèse s’appuie également sur des références culturelles communes qui font naître une complicité propice à l’adhésion : jeux de mots, traits d’esprit, intertextualité, connotations, détournements, allusions…

Le discours va se faire à la fois expressif et impressif, il va essayer de transmettre des émotions fortes, d’impressionner le destinataire pour agir sur lui.
Le locuteur doit impliquer ses destinataires, leur faire considérer que sa thèse est aussi la leur, qu’ils partagent les mêmes combats et les mêmes intérêts.
II est ainsi amené à utiliser souvent le « tu » ou le « vous », parfois le « nous » qui crée une communauté d’intérêt. Il les prend à témoin au moyen d’interrogations oratoires dont il n’attend pas de vraies réponses. Ces questions rhétoriques ou fausses questions sont simplement destinées à animer le discours et à varier le mode de l’affirmation.

Il doit provoquer un phénomène d’identification à ses vues. L’adhésion recherchée est plus viscérale que réfléchie. Nous assistons alors à une modalisation forte. Le locuteur s’implique fortement dans son énoncé, il amplifie ses jugements par le recours à des termes mélioratifs ou péjoratifs, à des adverbes d’intensité, à des images qui heurtent ou font rêver. Il spécule le plus souvent sur des réactions primaires : joie, peur, tristesse ou colère…
Pour persuader son lecteur ou son auditoire, le locuteur va jouer sur les émotions fortes de l’indignation ou de l’enthousiasme. Il peut exciter la pitié pour les victimes, l’indignation devant l’inacceptable, la révolte contre l’injustice. Ce type de discours recourt fréquemment au registre pathétique.


Convaincre est, par contre, une démarche rationnelle, qui fait appel à la démonstration et avance donc des preuves de ce que l'on veut faire admettre. L'art de persuader est celui du rhéteur, dans lequel ont excellé les Sophistes critiqués par Platon dans ses premiers dialogues, en particulier dans le Gorgias. L'art de convaincre est celui du philosophe qui, tel Socrate, sollicite constamment l'assentiment de son interlocuteur en passant par l'élaboration raisonnée de concepts.
celui qui argumente fait donc appel à la raison, aux facultés d’analyse et de raisonnement, à l’esprit critique du destinataire pour obtenir son accord après mûre réflexion.
Il formule une thèse2.
Il s’aide d’arguments, c’est-à-dire des éléments de preuve destinés à l’étayer ou à la réfuter.

Ces arguments sont eux-mêmes illustrés par des exemples variés : tirés de l’expérience personnelle, des lectures, des divers domaines de la connaissance : sciences, histoire, philosophie… Ce peut être des références à d’autres penseurs ou écrivains (citation), à des anecdotes amusantes ou frappantes (paraboles), à la sagesse des nations (proverbes) à des valeurs symboliques ou culturelles partagées (zoomorphisme, mythes)…

Il s’inscrit dans une stratégie argumentative : développer ou réfuter une thèse, concéder, débattre. Le schéma argumentatif peut varier : le locuteur peut choisir de défendre sa propre thèse et de passer sous silence celle de ses adversaires dans une « splendide indifférence » ; il peut aussi commencer par réfuter la thèse adverse ou, à l’inverse, il peut se montrer conciliant en acceptant quelques points (mineurs) de la thèse adverse afin de mieux disposer le destinataire à accepter la sienne. Tout dépend du rapport de forces réel ou supposé.

 

L'art de mentir en politique

Dans l’arène politique, il est impossible de ne pas mentir, au moins par omission. Pour réduire les risques, les acteurs disposent de stratégies discursives bien rodées
: celles de l’oubli, du flou, de la dénégation et de la raison d’État.

 

Quelques cas de mensonge politique
Tout homme politique sait qu’il lui est impossible de dire tout, à tout moment, et de dire les choses exactement comme il les pense ou les réalise, car il ne faut pas que
ses paroles entravent son action. Il lui faut jouer de stratégies discursives pour ne pas perdre de sa crédibilité. L’homme politique ne peut faillir de ce point de vue
: en toutes circonstances, rester crédible. L’on pourrait même dire avec quelque cynisme que l’homme politique n’a pas à dire le vrai, mais à paraître dire le vrai, ce qu’ont prôné tant Machiavel, pour qui le prince doit être un «grand simulateur et dissimulateur» , qu’Alexis de Tocqueville pour qui certaines questions doivent être soustraites à la
connaissance du peuple qui «sent bien plus qu’il raisonne»
.
L’homme politique peut se trouver en situation de candidature électorale s’adressant à des électeurs à qui il propose un projet sans savoir s’il pourra le tenir; il peut se trouver également en situation d’élu s’adressant à ses concitoyens à qui il annonce les mesures qu’il compte prendre pour résoudre une crise , mais sans savoir s’il pourra honorer ses engagements ; il peut aussi être mis en cause dans différentes affaires et être soumis à un interrogatoire de la part des médias, voire de la justice. Dans chacun de ces cas, il sera conduit à employer diverses stratégies pour éviter de déchoir.La stratégie du flou qui consiste à faire des déclarations suffisamment générales, alambiquées et parfois ambiguës pour qu’il soit difficile de le prendre en défaut, de lui reprocher d’avoir menti sciemment. Par exemple, tel responsable politique de droite, dont on connaît les options libérales déclarant : «On ne touchera pas à la Sécurité sociale, mais on en contrôlera les dépenses» ; ou tel responsable de gauche déclarant à propos des retraites : «On ne touchera pas aux retraites par répartition, mais il faudra les compléter par un système de capitalisation» Ou bien encore, plus récemment, ne pas repousser l’âge de la retraite, mais allonger la durée des cotisations. Qui nous dit que la décision n’a pas été prise de complètement changer les systèmes de la
Sécurité sociale ou des retraites ? D’autant que la chose s’est déjà avérée en d’autres circonstances : des déclarations d’un gouvernement s’engageant à ne pas privatiser telle entreprise nationale, mais seulement à procéder à une ouverture du capital, porte ouverte à la privatisation complète de l’entreprise en question

 

La stratégie du silence  : on livre des armes à un pays étranger, on met un ministère sur écoute, on fait couler le bateau d’une association écologiste, mais on ne dit ni
n’annonce rien. On tient l’action secrète. On a affaire ici à une stratégie qui suppute. Annoncer ce qui sera effectivement réalisé à terme provoquerait des réactions violentes empêchant de mettre en œuvre ce qui est jugé nécessaire pour le bien de la communauté. C’est ce même genre de stratégie qui est parfois employé dans les cercles militants, chaque fois qu’il s’agit de «ne pas désespérer Billancourt», comme Jean-Paul Sartre l’avait déclaré. Il n’empêche qu’il y a tromperie.Tromperie des citoyens du fait de la distorsion entre les paroles d’engagement et les actes réalisés, mais, diront certains, une tromperie nécessaire car elle n’est pas destinée à protéger des personnes dans leurs agissements délictueux, mais à servir le bien commun.

La stratégie de la raison suprême se produit chaque fois que l’homme politique a recours à ce que l’on a coutume d’appeler la raison d'État. Le mensonge public est alors
justifié parce qu’il s’agit de sauver, à l’encontre de l’opinion, ce qui est bon pour la nation. Platon défendait déjà cette raison «pour le bien de la République», et certains hommes politiques ont eu recours à celle-ci – serait-ce de façon implicite – en des moments de forte crise sociale.

En France, par exemple, c’est au nom de cette raison que Charles de Gaulle a lancé son «Je vous ai compris» au peuple algérien. Dans de tels cas, on peut se demander s’il s’agit d’un vrai mensonge. On a le sentiment que l’on a affaire à un discours qui ne relève ni du vrai ni du faux, car il en sort une vérité bonne pour le peuple, dans certains cas. C’est souvent au nom d’une raison supérieure que l’on doit taire ce que l’on sait ou dire le contraire de ce que l’on pense, c’est au nom de l’intérêt commun que l’on doit savoir garder un secret.

 

Faux témoignage
La stratégie de dénégation, lorsque l’homme politique, pris dans des affaires dénoncées par les médias ou qui font l’objet d’une action en justice, nie son implication.
Dans l’hypothèse où il aurait une quelconque responsabilité dans ces affaires, nier revient à mentir en portant ce que l’on appelle un faux témoignage. Mais la stratégie de dénégation vient souvent compléter une stratégie de détournement de la vérité : il y a d’abord détournement, puis, pour le renforcer, recours à la dénégation. Les stratégies employées jouent sur l’impossibilité d’apporter la preuve de l’implication des personnes dans les affaires de corruption. Ces cas sont particulièrement condamnables parce qu’ils touchent le lien de confiance qui s’établit entre les citoyens et leurs représentants, surtout lorsqu’il est fait recours au mensonge d'État non pas pour servir la cause du peuple, mais celle d’une personne ou d’un groupe particulier. Cela s’est produit avec George W. Bush et le mensonge sur les armes de destruction massive afin de justifier la guerre d’Irak et du même coup sa position de pouvoir, et avec José Maria Aznar lors de l’attentat de Madrid en accusant l’ETA et maquillant la piste d’Al-Qaïda afin de favoriser la réélection du Parti populaire. C’est, plus récemment, le cas de Jérôme Cahuzac qui a longtemps nié avoir des comptes en Suisse et en Asie avant de le reconnaître. La tromperie à des fins de pouvoir personnel ne se justifie pas car elle met en pièces ce qui fonde la démocratie. J. Cahuzac a menti, non seulement au Premier ministre et au chef de l'État (en faisant l’hypothèse que ceux-ci ignoraient les faits), mais, par le biais de la représentation nationale, à tous les citoyens.

Les autres cas peuvent se discuter, et bien des penseurs du politique l’on fait. Car on se trouve ici à la frontière de ce que sont les deux forces qui animent la vie
politique : l’idéalité des fins et la mise en œuvre des moyens pour les atteindre. Perversité du discours politique qui doit entretenir en permanence la coexistence d’une désirabilité sociale et collective sans laquelle il ne peut y avoir de quête d’un bien souverain, et d’un pragmatisme nécessaire à la gestion du pouvoir sans lequel il ne peut y avoir d’avancée vers cette idéalité. Contradiction, et non des moindres, du politique, entre le devoir de vérité et les possibilités de l’action.

Perversité ou mentir vrai, comme l’a dit Louis Aragon, à propos du genre romanesque ? Car entrent ici en collusion une vérité des apparences mise en scène par le discours et une vérité des actions mise en œuvre par des décisions. Dans le discours politique, les deux s’entremêlent en un vrai-semblant sans lequel il n’y aurait pas d’action possible dans l’espace public. C’est peut-être là l’un des fondements de la parole politique.

 

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